Mon cher Jean

J’ai relu récemment ta célèbre fable « Le Loup et l’Agneau » et je dois te dire que cette fois ci la carafe est pleine. Jean, je ne boirai plus de ton eau ! Je sais, il ne faut jamais le dire, mais sans vouloir t’offusquer, je déclare que le breuvage que tu nous sers en introduction de ta fable et que chaque écolier de ce pays ingurgite depuis des siècles est totalement périmé, pire, dangereux : « La raison du plus fort est toujours la meilleure »

Enfin, Jean ! Comment un homme de ta culture, peut encore affirmer cela sans honte? Certes, la loi du plus fort est inscrite dans les gènes de Dame Nature. C’est elle qui assure la survie et le développement de chaque espèce en s’appuyant sur ses individus les mieux armés pour faire face à la rudesse de la vie.

L’homme a inscrit cette loi au plus profond de son être et continue d’en faire la base de sa construction personnelle et de son organisation sociale. Les pays se régulent mutuellement par la force. Les dictatures mettent à leur tête les hommes les plus violents, les plus cyniques tandis que les régimes démocratiques se laissent diriger par les plus séducteurs, les plus forts à berner les masses, tout aveuglés qu’ils sont par leur penchant égotique.

Nous aurions pu penser qu’en accédant à la conscience, l’espèce humaine se détacherait de cette loi qui a du sens dans une nature sauvage mais qui perd toute légitimité dès lors que l’on s’en extirpe et qu’on accède à une forme de conscience universelle.

Pourquoi ne choisissons nous pas, pour diriger nos pays, nos départements, nos grandes villes, les femmes et les hommes les plus sensibles, les plus visionnaires, les plus généreux, les plus intelligents en quelque sorte. Pourquoi nous accrochons nous à cette loi devenue obsolète pour l’espèce humaine ?

Pire, cette loi qui est censée assurer la protection et la survie d’une espèce, appliquée à l’humanité mondialisée, garantit la fin de l’espèce humaine. Elle exige que le plus fort, pour le rester, soit en compétition permanente avec ses congénères. Et la compétition, qu’elle se passe au niveau des individus ou des états, nécessite une surenchère de moyens qui épuisent inexorablement notre terre nourricière.

Jean, au 20ème siècle, un homme a écrit un livre remarquable « L’éloge de la faiblesse* ». Je t’invite à te le procurer et à le parcourir. Je suis convaincu que par la philosophie, l’art ou la méditation, nous parviendrons à déprogrammer cette loi originelle qui obstrue notre vision d’un monde en devenir et à la remplacer dans nos cœurs par une soif de coopération.

Allez Jean, sans rancune. Et si je ne veux plus boire de ton eau, je veux bien que tu me serves de ce fameux Princens de Maurienne que chantait le poète Nicolas Martin, un siècle avant toi.

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