Montesquieu affirmait : « J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. » Il louait le bon sens légendaire des hommes de la terre. De nos jours, les paysans ne sont plus ces ignorants illettrés du 18ème siècle. Ils possèdent de multiples connaissances, souvent pointues, pour exercer leur métier. De ce fait, ils n’ont peut-être plus la sagesse éclairée de leurs ancêtres. En ont-ils encore besoin d’ailleurs ?
Depuis fort longtemps l’agriculture s’est mise au pas d’un productivisme effréné, devenant une alliée de poids pour les industries agroalimentaires, pétrolières et chimiques. L’activité paysanne censée chérir la terre est aujourd’hui l’une des premières sources de pollution. Ces paysans là n’ont plus grand-chose à voir avec la terre nourricière. Ils ne connaissent rien de la vie du sol : c’est normal, leurs sols sont sans vie, perfusés d’engrais et de pesticides. Nous portons tous la responsabilité de cette évolution. A vouloir des fraises en hiver et de la viande à tous nos repas, à donner plus d’importance à l’apparence qu’à la saveur ou à la santé, à refuser de payer le juste prix pour une alimentation saine, nous avons poussé l’agriculture dans une voie sans issue. Quel peu de compassion avons nous pour la terre, notre mère, d’avoir accepté que ceux qui en étaient les amants en soient devenus les tortionnaires?
Pourtant j’aime les paysans, parce que dans paysan, il y a pays. Un paysan sent son pays, résonne son pays, respire son pays …
Un pays sans paysan est comme un violon sans âme : il sonne creux, ne vibre pas… On ne peut aimer son pays si on n’aime pas ses paysans.
Mon pays, c’est la Maurienne et j’aime les paysans de nos montagnes. A l’heure du toujours plus vite, faire le choix de se soumettre au rythme des saisons et à la rudesse de la pente relève d’un esprit de résistance qui me plaît.
Mais mon pays, c’est aussi la terre. J’aime le paysan du bout du monde, qu’il soit argentin, tchétchène ou indien, je l’aime et j’ai mal à son cœur quand je sais qu’on le spolie de sa terre pour des raisons mercantiles.
J’aimerais tant rendre leur dignité à nos frères paysans d’ici et d’ailleurs, de France et du monde …
Obtenir ses légumes, sa viande, son fromage directement auprès de producteurs locaux est déjà un chemin, accessible à tous, pour remettre les paysans à la place et dans le rôle qu’ils n’auraient jamais du quitter: simplement nourrir le corps et le cœur de leurs enfants, leurs voisins, leurs amis… leur pays.
Yves Pasquier